Retour en haut de page
Thanatos, une stratégie communale comme une autre

Thanatos, une stratégie communale

Comment se mercater quand on est un territoire qui n’a, a priori, rien pour se différencier de ses voisins ? Et si on s’appuyait sur une vision entrepreneuriale de l’avenir, en saisissant un besoin et en le transformant en opportunité business ? Thanatos pourrait-il créer des emplois de façon pérenne sur un territoire ? Osons cette réflexion ensemble.

Un banc face à l'horizon

Dans un précédent éditorial, j’évoquais le positionnement mercatique implicite ou exprimé d’un territoire. Et le fait qu’un Maire, qu’il le veuille ou non, voire qu’il le comprenne ou pas, en est le chef d’orchestre, le compositeur, l’attaché de presse, le VRP. Ou pour le moins est membre structurant du commando qui projette son territoire.

Au titre d’un exemple d’exploration de pistes, je vais ici me placer à la responsabilité d’une collectivité qui, à la base, n’a pas d’atout et/ou de positionnement lisible, mais qui pourrait exploiter un créneau encore, semble-t-il, disponible.

La Mort, un business pérenne

Il y a 606 000 décès annuels en France. Les cimetières, à l’exception d’un privé à Besançon pour des raisons historiques, sont communaux. Mais communal ne signifie pas forcément réservé aux domiciliés.

Par contre, il y a pénurie de places dans au moins les grands cimetières urbains, et guère d’élargissements possibles. De plus, de nombreux « vieux » cimetières ont dû être supprimés pour des raisons d’hygiène, mais pas uniquement. Déjà, et par exemple, sur les 20 cimetières parisiens, les 6 les plus grands sont extramuros et eux aussi quasi saturés. (Paris-Pantin : 107 hectares, 200 000 concessions, 5 000 inhumations annuelles, soit 25 par jours ouvrables).

L’idée serait donc qu’un territoire se positionne en tant que « prestataire de l’après décès ».

Thanatos au service de la Vie

Une bourgade qui serait à moins d’une heure d’une grande agglomération, reliée par la route et par le fer, dont l’altimétrie serait entre 10 et 500 mètres, bénéficiant d’une zone encore agricole ou non valorisée type NA (c’est à dire classée « Future zone d’urbanisation »), au sol ni marécageux ni rocheux dense, pourrait sur 20 hectares (au moins dans un premier temps) créer une zone thanatos à la place d’une friche ou de petites fermes proches du centre.

Nous raisonnons ici pour l’exemple sur 20 hectares dédiés comprenant :

  • un cimetière traditionnel de 10 hectares, soit 100 000 m², soit environ 13 000 concessions de base et statistiquement 75 000 places référentes ;
  • à côté, voire l’entourant sur 2 ou 3 cotés, un « bois du souvenir » de 5 hectares planté de 250 chênes aux pieds desquels les cendres des incinérés pourraient être dispersées ;
  • enfin, une zone d’activité et de logistique sur 5 autres hectares qui recevra, outre un parking, une chambre funéraire à 4 nefs, un crématorium à 4 cellules, un bureau de gestion et des bâtiments pour les entreprises funéraires (peut être au moins au nombre de quatre).

Chaque emplacement est concédé pour 50 ans au tarif potentiel de 1 000 €. Soit un capital direct de 1 000 x 13 000 = 13 000 000 €. Auquel nous ajoutons le droit unitaire à dispersion, dont le nombre est de fait quasi illimité, fixé à 300 €, soit par exemple un potentiel de 50 000 personnes et donc un capital atteignable de 15 000 000 €.

Au total donc ici 28 000 000 € de recettes appréciées pour 15 hectares, ou 1 866 666 € l’hectare, ou 186,67 € le m², ce qui est tout de même mieux que la valeur foncière des lotissements ruraux et même périurbains.

Sur un principe de remplissage sur 20 ans, cela donne 1 400 000 € annuel direct pour 30 inhumations en moyenne par jour ouvrable.
S’ajoute la valorisation des charges foncières pour les diverses installations.

Thanatos, créateur d'emplois

Mais les recettes communales ne s’arrêtent pas là. En effet, cette réalisation entraîne la création de plus de 50 emplois funéraires directs et surtout d’emplois indirects (fossoyeurs, jardiniers, etc.), sans compter ceux entraînés dans d’autres secteurs comme la restauration, les fleurs, la construction et la consommation. Globalement, nous apprécions environ 250 emplois induits, et pérennes.

Investir pour l’avenir

Certes, en face, il y a un coût d’investissement. L’acquisition du foncier tout d’abord, au prix référent actuel 100 000 €. La construction d’un mur de clôture de 1 600 mètres ensuite, puis la réalisation du parking et des VRDs (voiries et réseaux divers) pour les bâtiments, une télésurveillance… Et enfin la plantation des 250 chênes et de divers végétaux d’embellissement.

Un premier chiffrage laisse supposer un budget global d’investissement de l’ordre de 1 400 000 €, soit sur 20 ans 70 000 € d’amortissement annuel. Dépense pouvant partiellement être étalée dans le temps en veillant toutefois à ne pas hypothéquer l’effet d’impact nécessaire.
Les charges publiques annuelles d’entretien, de gestion et de surveillance semblent ressortir au niveau de 500 000 €.

Disons pour simplifier qu’amortissement et charges sont d’évidences inférieures aux encaissements et permettraient le cas échéant de réduire les redevances.

Oser, tout simplement

L’objectif n’est pas ici bien sûr de faire un business plan pour « le village du grand cimetière » mais seulement de montrer que des pistes nombreuses et fort diverses existent pour autant que l’on s’y colle.

D’ailleurs, avec des chiffres différents mais pour rester dans le thème, une autre collectivité pourrait se positionner sur un cimetière pour animaux de compagnie.

Bien sûr, si toutes les communes faisaient des cimetières, il y aurait sur-offre.

Mon objectif dans cet article n’est pas de faire créer des cimetières partout mais simplement de faire observer la variété d’offres ou de positionnements qui peuvent être imaginés en sus de ceux que l’on connaît déjà comme :

  • la Course automobile à Magny-cours, au Castellet ou à Alès ;
  • le Cheval à Lamotte-Beuvron ou au Pin-au-Haras ;
  • la Musique à Carhaix-Plouguer, Clisson ou la Roque d’Anthéron ;
  • la Rééducation à Granville ou Goussainville ;
  • la Lutherie à Mirecourt ;
  • le Parfum à Grasse ;
  • etc.

Et sans même parler d’Amnéville qui a su, en partant de rien, substituer un pôle de loisirs de haut rang à ses hauts fourneaux !

Et vous ? Sur quelle spécificité oserez-vous miser pour assurer l’avenir de votre territoire ?