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« Les professionnels de santé veulent pouvoir choisir où exercer »

Quelles sont les attentes des jeunes professionnels de santé ? Capucine est dentiste, diplômée en 2019. Née à Tours, ayant étudié à Montpellier, elle voulait exercer à Paris. Mais la réalité du terrain et une belle opportunité l’ont conduite dans la Drôme. Elle nous parle de son parcours.

Capucine est dentiste et représentante des jeunes professionnels de santé

Capucine

Dentiste

De Montpellier à la Martinique

Je suis originaire de Tours et voulais faire médecine. Après 2 premières années, et avoir raté mon concours de seulement quelques places, j’ai choisi de m’orienter vers le dentaire. ça se rapproche beaucoup de la médecine pour moi, comme une spécialité.

Mais il n’y a pas de fac dentaire à Tours. J’avais donc le choix, du fait de mon classement, entre Nantes, Clermont-Ferrand et Montpellier. Nous avons très peu de temps pour choisir et nous organiser. J’ai choisi Montpellier sur un coup de tête, même si c’était loin et que je n’y connaissais personne. Un a priori positif sur le soleil peut-être !

Après 6 ans d’études, mon diplôme en poche, j’ai eu envie de partir dans les îles avec une amie. C’est assez courant pour les jeunes professionnels de santé dentistes mais aussi kiné, médecins généralistes… Ce sont nos vacances studieuses à nous. Je savais par ailleurs que je ne souhaitais pas m’installer à Montpellier, qui est assez bouchée. Pour moi, ce serait la grande ville ou rien. Paris même, car j’y serais à 1h de chez mes parents. Et j’ai 3 frères et sœurs sur place, et ma meilleure amie.

Je suis donc partie en Martinique d’octobre 2019 à mars 2020, où je suis revenue en métropole en catastrophe du fait de la Covid-19 pour ne pas y être confinée. J’étais en collaboration dans un cabinet un peu vétuste qui ne me plaisait pas beaucoup malgré la jolie vue. Et je ne pouvais déjà plus travailler du fait de la situation sanitaire.

Je précise que j’avais trouvé ce poste avant de partir. On m’avait dit que ce serait simple, que les offres étaient pléthores. Ce ne fut pas exactement le cas tout de même. Mon choix numéro 1 était Tahiti mais il fallait s’engager sur un CDD de 2 ans. J’avais éliminé la Guyane et la Réunion. En Nouvelle-Calédonie, on peut avoir salaire fixe + vol & logement payés ! Mais j’avais déjà des amis en Martinique. Ils m’avaient prévenue que cela fonctionnait par « vague » de recrutements du fait du très important turn-over. J’ai fait 2 mois de recherches intensives pour trouver mon opportunité, incluant des appels directs aux cabinets dentaires sur place.

Retour à Tours

Lorsque je suis rentrée en France et que les cabinets dentaires ont pu rouvrir, j’ai trouvé extrêmement vite un poste à Tours alors même que je recherchais un poste temporaire. Il faut habituellement 3 à 4 mois pour lancer une patientèle si on n’en reprend pas une suite à prise de retraite ou congé maternité. Entre l’été et la pandémie, cela a pris plus de temps… Mais le cabinet avait un gros potentiel avec une belle surface, 3 sièges en place et éventuellement 2 supplémentaires, une praticienne en départ à la retraite et donc sa patientèle à reprendre, et enfin une super entraide entre les professionnels du territoire. Si la région m’avait plu, j’aurais persisté.

Se confronter à Paris

Mais Tours ne m’attire plus, je connais trop bien. Et je voulais aller à Paris. J’ai donc repris mes recherches en ce sens. J’ai reçu jusqu’à 15 messages de centres dentaires parisiens par semaine pour des postes salariés. Tout y est basé sur les bénéfices et partenariats avec les Mutuelles. Je trouve personnellement scandaleux de proposer des soins en fonction de leurs remboursements et non de nos recommandations en tant que professionnels de santé en fonction des pathologies de nos patients. Je voulais garder la liberté du libéral et ne pas me voir imposer des prothèses de l’autre bout du monde.

J’ai fini par trouver un contrat de collaboration avec 2 dentistes et suis montée à Paris selon mon souhait initial vers octobre 2020. Je travaillais depuis 3 semaines dans le quartier Haussmann quand le second confinement a pointé son nez. J’avais 5 patients par jour, dont 2 qui ne se présentaient pas. Les rendez-vous étaient globalement pour des détartrages annuels, rien de très stimulant intellectuellement parlant. Et je ne gagnais pas ma vie.

Découvrir Valence, dans la Drôme

Aux Antilles, j’avais rencontré un dentiste dont les parents sont de Valence. Un praticien y partait à la retraite. Mon ami m’a proposé de venir visiter le cabinet. Déprimant à Paris, mes amis de la Capitale en étant partis pour télétravailler, les magasins, musées, lieux de vie étant fermés, et mon planning professionnel toujours au régime sec, j’ai accepté le voyage.

A mon arrivée à Valence, j’ai découvert un cabinet 100% refait à neuf, avec tout le matériel dernier cri. Mon ami y était arrivé en septembre, son planning était déjà plein jusqu’en mars, avec des journées folles. Il lui fallait quelqu’un de toute urgence, pour février au maximum. 2 fauteuils pour 2 praticiens, pas de problèmes d’agenda. Et 40% du chiffre d’affaire à reverser à la structure (pour loyer, secrétariat, matériel, etc.), 60% pour le professionnel de santé. L’inverse de Paris. Et l’autonomie sur le choix des prothèses et un bon feeling, j’ai signé !

L’opportunité était ailleurs

Pourtant, je souhaitais m’installer dans une grande ville sinon rien. Je ne reviens toujours pas d’être aujourd’hui dans une « petite » ville de France 😊

Mon constat est que, dans toutes les grandes villes, il faut avoir de la trésorerie d’avance pour réussir son installation. En création de poste à Paris, Lyon ou Marseille, c’est très difficile de faire sa place.

Je découvre qu’une ville comme Valence peut tout à fait avoir son charme. Et mon agenda s’y est rempli à la vitesse de l’éclair. Mes prochains rendez-vous disponibles sont dans 3 mois alors que je viens juste de m’installer, c’est fou ! Et tous les dentistes sont pleins. Ce qui pose aussi des questions pour les urgences ou le suivi des patients ayant besoin de rendez-vous réguliers. J’ai personnellement organisée mon agenda en fonction, n’ouvrant que quelques créneaux à la réservation spontanée via Doctolib, gardant les autres pour mes patients déjà suivis.

Quelles tendances identifiez-vous parmi les professionnels de santé ?

Parmi mes relations professionnelles proches, je suis la plus citadine. Mes collègues dentistes souhaitent globalement aller là où il y a du travail. Et mon expérience me dit qu’il n’y en a pas partout tout le temps en fait !

Le libéral garde la côte également.

Par ailleurs, les professionnels de santé n’échappent pas à l’envie de Vert de la période. Même ceux qui disaient vouloir aller dans une grande ville souhaitent en fait, quand on creuse un peu, aller à 20-30 minutes de celle-ci pour augmenter leurs bénéfices de 20%, et leur qualité de vie de façon indéniable. Ça ouvre le champ des possibles !

Je trouve par ailleurs que les offres de maisons médicales pluridisciplinaires sont très intéressantes. Et des territoires ruraux savent faire des offres irrefusables pour des installations en libéral.

Ce qui est certain, c’est que, après 6 ans d’études, je veux pouvoir choisir mon cadre de vie et là où j’élèverai mes enfants. Mais je pourrais aussi accepter d’avoir un peu de transport entre mon lieu de vie et mon lieu d’exercice pour concilier vie personnelle épanouissante et vie professionnelle enrichissante.

Auriez-vous une proposition à faire au Gouvernement pour lutter contre la désertification médicale ?

Pourquoi ne pourrait-on pas proposer 6 mois de stage obligatoires dans un désert médical aux futurs professionnels de santé ?

Cela pourrait créer de belles rencontres et en faire rester certains, j’en mets ma main à couper.