- Docteur Couture, qui êtes-vous ?
- Pourquoi avoir fait Médecine initialement ?
- De la médecine urbaine à la médecine rurale, pourquoi ce changement ?
- Avez-vous été bien accueillie à Barenton ?
- Connaissiez-vous le territoire avant d’y venir ?
- Quel regard portez-vous sur la médecine actuelle ?
- Avez-vous un message à faire passer au gouvernement ?
- La téléconsultation est un leurre.
- Les incitations financières ne fonctionnent pas.
- Le site Comm’une opportunité a-t-il été décisif dans votre changement de vie ?
- Enfin, recommanderiez-vous Barenton à un confrère ou une consœur ?
Julie Couture est la nouvelle médecin de Barenton, un village de 1 200 habitants du département de La Manche qui était sans généraliste depuis 1 an et demi. Pourquoi la médecine rurale alors que tant de communes de France recherchent des professionnels de santé ? Le Docteur Julie Couture nous dit tout, sans fards ni faux-semblants.
Julie Couture
Médecin généraliste à Barenton (Manche)
Docteur Couture, qui êtes-vous ?
J’ai 41 ans. Après des études de médecine à Paris, j’ai quitté la capitale pour la Marne juste après l’internat. J’avais 2 enfants en bas âge et n’imaginais pas les élever en ville.
J’ai ensuite rapidement trouvé un poste dans l’Aisne, à Soissons exactement. J’y ai exercé pendant 10 ans avant mon déménagement en Normandie.
Pourquoi avoir fait Médecine initialement ?
J’avais dans l’idée de travailler dans le social, de faire éducatrice spécialisée.
En terminale, je me suis plu dans les matières scientifiques. Pour mes parents, ”qui peut le plus peut le moins”. Et si je pouvais être médecin, je pourrais choisir dans quel domaine travailler. J’avais déjà une sœur en médecine (aujourd’hui médecin généraliste à Toulouse), je l’ai suivie.
Quelque part, le social englobe le médical.
De la médecine urbaine à la médecine rurale, pourquoi ce changement ?
J’ai exercé pendant 10 ans à Soissons dans un cabinet avec 3 associés. Mais nos visions et façons de faire étaient différentes, en particulier sur des sujets financiers (augmentation de notre secrétaire, prise en charge de certains frais hebdomadaires, etc.). Cela me pesait.
Sur mes 3 dernières années dans l’Aisne, j’avais également un poste salarié un jour par semaine à coté de Compiègne (Oise) auprès de personnes polyhandicapées. Cela avait du sens pour moi.
Côté perso, j’avais désormais 6 enfants et avais divorcé de mon mari. Il me fallait tourner une page, y compris géographique.
Je ne suis pas venue en zone rurale par militantisme mais parce que cela ne me faisait plus peur.
Julie Couture, Médecin généraliste à Barenton (Manche)
Dans la Marne, nous habitions un village à 30 minutes de Soissons et de Reims. Je devais faire 60 kilomètres pour me rendre à Compiègne. Mes enfants mettaient une heure en train + voiture ou bus pour rejoindre leur lycée. C’est maintenant que j’ai l’impression d’être en ville ! Mes enfants vont au lycée en 5 minutes et à pieds et je suis à 10 kilomètres de mon cabinet. Cela change radicalement notre quotidien.
Avez-vous été bien accueillie à Barenton ?
Les habitants me disent : « Merci d’être là. » J’ai l’impression d’être le Père Noël !
Normalement, le patient et son médecin se choisissent mutuellement. Ici, les gens n’ont pas ce choix. A Soissons, les habitants l’avaient un peu plus. Et encore…
Nous sommes en phase de lune de miel avec les Barentonnais, à voir par la suite. Car j’ai fait le choix de travailler 3 jours par semaine et n’en démordrai pas pour le moment. Ma priorité est et restera ma famille, mes enfants, mon équilibre personnel.
J’aurais pu m’installer dans la ville d’à côté, à Mortain, mais en association. Je ne le voulais pas après mon expérience précédente.
Pour autant, je ne suis pas seule à Barenton car je prévois de travailler en étroite collaboration avec les autres médecins du territoire. Un PSLA est en gestation, avec partage de réunions, de savoir faire, de « temps médical » pour assurer la continuité des soins sur le territoire, et une offre de soins efficiente. Le calendrier de gardes participe aussi à la collaboration.
Connaissiez-vous le territoire avant d’y venir ?
Nous le connaissions vaguement. Disons que le Mont Saint-Michel est un bon repère !
Les enfants étaient réticents à l’idée de quitter leurs amis naturellement. Mais, ici, ils ont le train pas loin et une certaine autonomie qu’ils n’avaient pas du tout dans notre village de la Marne. Et avec les réseaux sociaux, c’est facile de rester en contact si on le souhaite.
Concernant mon conjoint, il est traducteur de livres. Il peut donc travailler d’où il veut. Il a eu un petit creux professionnel. Il a donc pris un job dans une ferme. Ici, si on veut travailler, on peut. Il y a plein d’annonces !
Quel regard portez-vous sur la médecine actuelle ?
Je trouve qu’il y a un manque de curiosité lors de la formation initiale pour la médecine dite rurale. Les gens ne seraient pas les mêmes, les problématiques non plus. Et pourtant si. Il n’y a pas de différence avec la médecine urbaine.
Avoir tout centralisé en ville a permis le développement de gros CHU très efficaces. Mais aux dépens de l’offre de soins des petites villes. On crée une médecine à deux vitesses, qui va à l’encontre de l’idée de la médecine de proximité que je me fais, et que je souhaite.
Comment peut-on s’installer à la campagne sans avoir le stress de voir les gens mourir ?
Julie Couture, Médecin généraliste à Barenton (Manche)
Et, lorsqu’un patient n’a pas de médecin généraliste depuis 3 ans, il a en quelque sorte “échappé” au système de soins, avec les dépistages organisés, le suivi “de routine”. On pourrait se retrouver face à des catastrophes médicales absolues. Certes, les personnes n’ont pas été proactives, en l’absence de médecin. Mais elles n’en ont pas vraiment eu les moyens puisqu’il est du devoir du médecin généraliste de prévenir, inciter au dépistage, etc.
Les habitants des campagnes pourraient penser qu’ils ne sont pas intéressants. On les a éduqués à attendre. Ils n’ont pas le luxe d’être anxieux, de venir « juste » prendre conseils. Ce n’est pas normal.
J’avais des oncles médecins qui travaillaient de 7h à 22h. On sonnait encore à leur porte le dimanche si besoin était. Moi, quand je suis au cabinet, je suis médecin. Quand je n’y suis plus, je ne le suis plus. L’équilibre est fragile pour positionner le curseur. Je m’inquiète pour mes patients et culpabilise de ne pas en faire plus. Mais il n’est physiquement pas possible d’être là 24h sur 24. Alors je me dis : s’il y a urgence, ils doivent aller aux urgences justement. Sinon, je les verrai dans 2 jours au cabinet. Ça me permet de déculpabiliser un peu.
Ma vie de famille reste ma priorité. Cette nouvelle vision des choses est le bénéfice de la féminisation de la profession je pense. Cela doit être pris en compte par les instances publiques.
Avez-vous un message à faire passer au gouvernement ?
La téléconsultation est un leurre.
La téléconsultation médicale dépanne mais c’est un leurre. Quel message renvoyons-nous aux patients ? Que c’est tellement nul chez eux qu’ils devront se contenter d’une télé ?
Cela retire aussi toute possibilité de choisir son médecin. C’est untel qui est de garde derrière sa webcam, point à la ligne. Le patient est réduit à un numéro, à un client anonyme. La téléconsultation en dépannage, peut être, mais pour les petites urgences, pas pour remplacer un suivi de fond, une relation thérapeutique.
La médecine générale, c’est une relation avant tout, un suivi, du « off », du « Comment va votre grand-mère ? Et votre chien ? ». Je ne peux pas faire sans ça personnellement. C’est plus rigolo déjà, et tellement plus complet.
Il nous faut plus de « CARE » que de « CURE ».
Julie Couture, Médecin généraliste à Barenton (Manche)
Les incitations financières ne fonctionnent pas.
Les incitations financières à l’installation en zone sous-dotée ne fonctionnent pas. Pourquoi ? Parce que les internes de médecine veulent bien naturellement garder le cadre de vie de leurs études ! (Celles centralisées dans les grandes villes, vous savez…). Garder leurs habitudes de sorties, leurs amis, le travail de leur conjoint ou conjointe, etc.
Et d’ailleurs, pourquoi de telles aides financières pour les médecins et pas pour les agriculteurs par exemple ? Qui a dit que nous leur étions supérieurs ? Plus importants ? Cet aspect « 2 poids, 2 mesures » me pose problème.
J’ai reçu une aide à l’installation de la CPAM pour mon installation. Que ce passera-t-il en cas de « défaillance » ? Devrais-je rendre cette somme ? Je ne sais pas. Dans tous les cas, je considère que cet argent m’a juste été prêté sur un temps donné pour faire quelque chose. Les objectifs fixés par la sécu me semblent assez judicieux, je vais y travailler, intelligemment, et avec les moyens disponibles (pas de kiné, pas de médecin sur le marché, on ne peut pas les inventer pour remplir les cases !), pour ce qu’ils ont de bon dans la cohésion de l’offre médicale du territoire. Si j’y arrive, c’est bien. Sinon, je rends. Et ça me va. C’est bien sûr un coup de pouce mais cela n’a en aucune façon été décisif dans ma décision de relocalisation.
Elle reposait sur la possibilité de trouver LA maison qui collait à mon important cahier des charges. Nous avions aussi regardé du côté de la Creuse mais tout était à une heure de voiture, impossible… Ici, à Mortain, la maison est de la bonne taille pour notre grande famille et le lycée en face, à 10 kilomètres de Barenton où j’ai mon cabinet. Tout était parfait pour nous, avec ou sans argent à la clé.
Le site Comm’une opportunité a-t-il été décisif dans votre changement de vie ?
Je ne savais pas comment trouver où travailler sans être déjà ancrée sur un territoire. Comm’une opportunité m’a aidée en cela.
Suite à la diffusion de mon projet, j’ai eu plusieurs contacts par mail puis par téléphone avec des territoires divers qui pouvaient ainsi répondre exactement à mes préoccupations. Nous avons bien conscience d’être un peu en force en tant que médecin généraliste. Mais cette approche plus humaine m’a plu justement.
L’échange avec Monsieur le Maire de Barenton puis cette maison disponible à Mortain ont fait le reste.
Comm’une opportunité m’a permis d’accéder à cette nouvelle vie à laquelle j’aspirais.
Julie Couture, Médecin généraliste à Barenton (Manche)
Enfin, recommanderiez-vous Barenton à un confrère ou une consœur ?
Absolument !
Le Mont Saint-Michel et sa baie magnifique sont à 30 minutes à peine. Véritable aimant touristique, il comblera également vos aspirations internationales 😀
Il y a de belles randonnées à faire sur le territoire, des forêts à découvrir, des agriculteurs et producteurs locaux où se fournir (la santé par l’assiette, primordiale).
Nous ne sommes par ailleurs qu’à une heure de Rennes et de Caen au final, 30 minutes d’Avranches et Granville pour des villes de taille intermédiaire. Il est donc facile de se rendre en ville pour un spectacle ou une session shopping.
Mais pas besoin d’aller aussi loin pour le quotidien. Médiathèque, ludothèque, sports en tout genre, école de musique au top avec une dynamique incroyable, nous sommes ravis. (Tous mes enfants sont musiciens. Ils progressent à la vitesse de l’éclair depuis notre arrivée !)
Et il ne fait pas trop chaud ! Important en ce moment, non ?
D’ailleurs, il y a des bureaux vides et nous recherchons encore un ou deux médecins généralistes, ou spécialistes, un dentiste, ou une sage-femme, ou un kiné, ou autre ! (Psychomotricien, ergothérapeute, orthophoniste, orthoptiste…). Contactez-vite Barenton sur Comm’une opportunité 😊